La vie du couple se trame autour de ces questions :
- Comment le « nous » cohabite-t-il avec nos deux « uns » ?
- Est-ce que le « un » continue à avoir sa vie « personnelle », son pré carré, son jardin secret ?
- Qu’est-ce qui est partagé, qu’est-ce qui ne l’est pas ?
- Et finalement, est-ce qu’on peut tout partager ? Ou est-ce que c’est trop dangereux car on risque de s’y perdre ?
- Est-ce que le « nous » risque d’effacer le « un » ?
Le discours actuel tend à privilégier un couple où chacun garde son autonomie, une alliance qui peut toujours se rompre et qui du coup nécessite que chacun se protège, ne s’investisse pas trop, garde sa « liberté ». Et à caricaturer et dénoncer le couple « fusionnel », qui serait néfaste en ceci qu’il annihilerait les richesses individuelles de chacun, et risquerait de « dissoudre » la personnalité de chacun. Avec toujours un soupçon d’emprise de l’un sur l’autre, qui le dépossèderait et le priverait ainsi de sa « liberté ».
On a ainsi l’impression que si j’investis beaucoup dans le couple, ma bulle personnelle va se rabougrir, et que, a contrario, si j’investis peu dans le couple, ma petite bulle personnelle pourra se développer !
Ou que pour aimer l’autre, il faut d’abord s’aimer soi-même…
Ce que ce discours veut nous faire oublier, c’est que nous sommes des êtres relationnels. Nous sommes déterminés par les relations que nous tissons avec les autres. Nous pourrions même dire que nous sommes relation, c’est-à-dire que la relation est concomitante à l’émergence même de notre personne.
C’est donc la relation – la relation d’amour, s’entend – qui nous permet de devenir nous-mêmes, de plus en plus, de mieux en mieux. Elle nous libère, car elle nous affranchit du passé qui nous restreint, et nous donne l’assise et la sécurité pour entreprendre des choses nouvelles.
Ainsi, la relation de couple particulièrement nous accomplit, car, dans le couple, nous trouvons notre vocation d’homme ou de femme, et nous réalisons ce vers quoi nos aspirations profondes nous poussent : l’amour et le don à l’autre.
Bref, faire un couple, « faire couple », c’est construire de l’unité avec de l’altérité, c’est construire un lien qui nous libère de nos enfermements stériles « de nous à nous-mêmes », un lien qu’il faut bien sûr apprendre à faire fonctionner correctement ! C’est une tension ; la tendance à la désunion guette toujours du fait de nos différences, et faire de nos différences une union plutôt qu’une désunion est un défi permanent…
Si nos différences deviennent divergences et nous séparent, nous perdons la partie.
Si nos différences deviennent source d’élargissement du monde et nous rapprochent, nous avançons dans notre construction commune et chacun peut resplendir davantage.
Alors quand des jeunes couples me font part de leurs questionnements, quand des couples plus murs me font part de leurs doutes, je leur dis, sans hésiter : « il n’y a pas à choisir entre le « je » et le « nous », choisissez tout, et faites-vous aider quand vous en aurez besoin, ça marche ! ».